6 avril 2020

La faim guette les jeunes des rues désertées de Guatemala City. Mojoca organise son aide.

Article du 30 Mars 2020

Ancien professeur belge ayant vécu des années en Italie, et aujourd'hui âgé de 91 ans, Gérard Lutte, père fondateur du Mojoca, un mouvement destiné à soutenir les jeunes de la rue au Guatemala, nous explique la situation qui se vit là-bas depuis l'arrivée de la crise sanitaire COVID-19. Il nous confie ainsi sa vision et l'aide qui s'organise dans une lettre d'information adressée aux organisations, telle que WSM, qui soutiennent le Mojoca depuis de nombreuses années.

"Notre Mouvement est né dans la rue et, depuis le début, il fonctionne avec les caractéristiques positives de la vie dans la rue. Les jeunes membres, appuyés par des adultes, s’y organisent sous une forme d’autogestion. Depuis quelques semaines, dans nos maisons, la réalité quotidienne est bouleversée. La crise du COVID-19 a éclaté au Guatemala, comme partout ailleurs, et depuis, les pensionnaires tentent de reconvertir leurs activités et d'organiser la solidarité afin d'offrir une aide d'urgence alimentaire aux autres jeunes qui n'ont nulle part où aller, nulle part où dormir, seules les rues désertées de la capitale pour maison. Qui d’entre nous aurait imaginé que nous vivrions, du jour au lendemain, dans un monde totalement différent? Partout sur la planète, les gens sont confinés dans leur maison ou leur appartement ! Et qui d’entre nous réussit aujourd'hui à imaginer le monde de demain, libéré du coronavirus? " 


LE GUATEMALA TOUCHÉ PAR LA CRISE

Le coronavirus a envahi le Guatemala. Les informations que nous donne le gouvernement ne sont guère fiables. Il parle d’une quarantaine de cas de contagion, d’un seul décès, et cinq guérisons. D’autres disent, mais nous ne pouvons pas le vérifier, qu’il y aurait déjà 1000 contagions et une centaine de morts. Le gouvernement prend des mesures, mais qui sont incohérentes et qui ne respectent pas les recommandations de quelques centaines de médecins guatémaltèques. Il ne parvient pas à s’imposer aux grands entrepreneurs nationaux et multinationaux qui ne respectent pas l’ordre de fermer toutes les productions non nécessaires à la survie du pays. Les call center et les « maquillas » (entreprises multinationales d’assemblage de vêtements) continuent à travailler avec des centaines et des centaines de travailleurs insuffisamment protégés. Le gouvernement fait la sourde oreille aux recommandations du procureur des Droits Humains et des médecins guatémaltèques. Ils n’ouvrent pas d'abris où les 40.000 personnes qui vivent dans les rues seraient protégées. Nous ne savons donc pas ce qui se passera dans ce pays, où beaucoup d’enfants souffrent de dénutrition.

LE MOJOCA S'ACTIVE POUR APPORTER SON AIDE

Au cours de notre dernière Assemblée Générale, nous avions décidé de créer deux commissions chargées de nous préparer à l’éventualité de l’expansion de l’épidémie de coronavirus au Guatemala. Le jour suivant, le Président annonçât la suppression des transports publics, la fermeture des activités économiques, des magasins, l’interdiction de rassemblement de plus de dix personnes, etc. Nous avons donc dû nous organiser pour continuer notre action avec les jeunes des rues et ceux qui en étaient sortis. Nous avons obtenu, du ministère de l’économie, la permission d’ouvrir la maison de l’amitié pour continuer à produire de la nourriture avec les conditions de protection suffisante pour les volontaires. Beaucoup de travailleurs-euses restent chez eux/elles quand ils/elles vivent très loin et nous n’avons pas les moyens de leur payer un taxi. A la maison, travaillent seulement des volontaires, dont la plupart sont des jeunes issus de la rue, et sous la direction de Julia Avelo qui se révèle être une leader motivée et capable d’assumer de grandes responsabilités.

Du lundi au vendredi, le Centre Social est ouvert le matin avec trois ou quatre personnes et aussi le gardien de la maison. Deux travaillent dans la cuisine, Alfonso fabrique le pain dans la boulangerie. Et notre doctoresse vient trois fois par semaine et vérifie que toutes les conditions de sécurité sont strictement appliquées. Vers une heure, 4 jeunes hommes, Marvin, Alan, parfois Juan José et Brandon portent des paquets de nourriture aux différents groupes des rues de la zone centrale de la capitale. Ils leur donnent le conseil de vivre en petits groupes et si possible de rentrer dans leurs familles et de se réfugier dans les heures du couvre-feu (de 16h à 4h) dans des maisons abandonnées parce qu’il n’y a pas d’abri pour eux/elles. Nous avons déjà fait des appels au gouvernement pour qu’il ouvre des hôtels où les jeunes, et toutes les personnes des rues, pourraient se réfugier. Nous allons lancer un appel au cardinal Alvaro Gramazzini pour que l’Eglise ouvre des refuges pour les plus démunis.

Nous nous occupons aussi des 80 Mariposas (jeunes enfants) et de leurs mamans. Le service de lutte contre la dénutrition continue à fonctionner. Notre psychologue Carina est en rapport avec les mères de famille et connaît leurs besoins. Nous avons aussi organisé, à l’intérieur du Mojoca, une solidarité avec ces jeunes qui n’ont plus de travail, ni de ressources et à qui nous essayons de donner des aliments, et parfois une aide pour payer le logement. Nous pensons étendre cette solidarité aux groupes des adolescents.

Bien sûr, nous continuons à donner des bourses d’étude et d’apprentissage et le Centre Social ouvre ses portes pour que les jeunes puissent entrer en respectant les distances de sécurité pour recevoir leur chèque ou l’aide matérielle qui leur échoit. Notre département de gestion des ressources et notre administration continuent à fonctionner et Maria Elena, mère de trois enfants, qui habitent à plus d’une heure du centre, travaille de chez elle pour faire les commandes nécessaires.

Les femmes et les enfants de la Maison du 8 mars ne sortent plus de la maison, et moi non plus, vu mon âge, je ne sors plus de mon appartement et nous prenons toutes les précautions que nous pouvons. Je suis très heureux d’être au Guatemala, dans cette crise que nous allons affronter ensemble sans perdre l’espoir d’en sortir. J’espère que le jeune âge protègera les enfants et les jeunes des rues, mais leurs conditions de santé sont précaires.

ENSEMBLE, PRÉPARONS L'AVENIR...

Ces moments de crise remettent tout en question. Cette crise mondiale a servi aux puissants qui facilitent la propagation du virus, alors qu’il n’y a pas de service de santé suffisant dans le tiers monde et que le pouvoir reste aux mains de minorités privilégiées qui peuvent profiter de l’aubaine de cette catastrophe immense pour accroître leurs profits et leur pouvoir. Nous devons nous remettre en question, réfléchir sur le sens de la vie, de la mort, sur la société que nous voulons pour demain.

J’ai organisé, avec un groupe d’amies et d’amis italiens, un petit groupe de réflexion que j’ai appelé « VITA » (vie). Je le fais en italien parce que le maniement du français au Guatemala n’est pas facile. Toute personne désireuse peut recevoir ces documents qui sont envoyés par WhatsApp. Je vous encourage tous aussi à rester en communication entre vous. C’est l’occasion de rétablir les dialogues en famille.

Merci à vous toutes et tous qui continuez à nous soutenir, à nous encourager. C’est le moment où jamais de dire aux gens que nous les aimons. C'est tout ce que nous vous souhaitons avec les enfants, les jeunes et les travailleurs du Mojoca.

La vie aura le dernier mot !

Gérard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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