31 mars 2020

C'est de faim plus que du COVID-19 qu'on mourra en Inde !

Le mercredi 25 mars, le Premier Ministre de l’Inde, Narendra Modi, a déclaré un couvre-feu total sur l’ensemble de l’immense territoire abritant plus de 1,3 milliard de personnes, conséquence d’une augmentation relativement rapide du nombre de cas d’infections COVID-19. Deux jours plus tôt, les organisations partenaires de WSM, en Inde, interpellaient le Premier Ministre dans une lettre ouverte l’exhortant de prêter attention au sort des travailleur-euses les plus vulnérables, actif-ves dans l’économie informelle, constituant près de 92% de la main-d’œuvre totale et ne bénéficiant d’aucun revenu de remplacement.


L’Inde est le deuxième pays le plus peuplé du monde, derrière la Chine. Plusieurs caractéristiques rendent sa population très vulnérable face à la propagation du virus : les conditions sanitaires, le manque de lits dans les hôpitaux (0,5 lit pour mille habitants, soit onze fois moins qu’en Belgique, selon les chiffres de l’OCDE pour 2017), des bidonvilles surpeuplés, la pénurie d’équipements médicaux de protection, des tests trop peu nombreux et une réponse lente du gouvernement…

Le confinement avait déjà commencé dans certaines parties du pays, suite à des initiatives régionales. Dans sa lettre ouverte, le réseau de nos partenaires en Inde salue les initiatives prises par les services de santé publique et le gouvernement. « Mais il manque à toutes ces mesures des mesures qui soulagent les travailleurs du secteur non organisé, qui représentent près de 92 % de la main-d'œuvre totale et qui n'ont pas d'autre choix. En l'absence d'une protection sociale universelle pour tous les travailleurs et leurs familles, en particulier pour les travailleurs des secteurs non organisés, ils n'ont pas d'autre choix et continuent à travailler. »

Les mesures préventives et sanitaires proposées et conseillées par le gouvernement seront difficiles à mettre en pratique pour des millions de personnes. Jusqu’à présent, les habitant-es issu-es de classes aisées respectent plus ou moins ces mesures et restent chez eux, ou gardent leurs distances. Mais c’est plus difficile pour les personnes plus pauvres, vivant dans les bidonvilles surpeuplés.

Ces personnes ne peuvent pas travailler chez elles ni se permettre de rester à la maison pendant plusieurs jours, semaines ou mois… Vivre de l'agriculture saisonnière signifie, par exemple, ne pas pouvoir rester à la maison, mais bien devoir se rendre aux champs pour obtenir un salaire journalier afin de nourrir la famille… Les travailleur-euses domestiques, les ouvrie-ères du bâtiment ou les travailleur-euses migrant-es internes au pays doivent risquer leur vie pour nourrir leur famille et pour se protéger, ainsi que leurs proches, du dénuement. Un combat de tous les jours rendu quasi impossible dans ce contexte. Il existe déjà des cas de travailleur-euses domestiques qui ont contracté le virus auprès de leurs employeur-euses et beaucoup d'entre eux-elles ont été invités à prendre un congé sans salaire, ni compensation.

En Inde, 8.000 enfants meurent de faim chaque jour. Sans mesures d'indemnisation appropriées et sans une protection sociale renforcée, les travailleurs et les familles pauvres et vulnérables seront abandonnés à la perte de revenus et de travail, à la famine, à la maladie ou pire encore… Au final, le nombre de décès dus à la faim risque d’être supérieur à celui des décès dus à l’infection COVID-19.

« Nous attendons toujours que les dirigeants le comprennent et qu'ils présentent des plans précis et proactifs qui tiennent compte de la grande majorité de la population, des travailleurs précaires des secteurs non organisés et de leurs familles. Au lieu de renoncer à des millions de roupies au profit des entreprises et des grandes sociétés, quelques millions aideront ces personnes vulnérables à satisfaire leurs besoins quotidiens. Il est regrettable que le gouvernement indien n'ait pas augmenté son fonds de gestion des catastrophes en réponse à ce besoin urgent, ni annoncé d'autre soutien économique aux pauvres qui perdent leur emploi.  »

Certains gouvernements des États ont déjà pris certaines mesures, comme le gouvernement de l'Utar Pradesh qui a annoncé une aide de 15.000 roupies à toutes les familles pauvres, ou le gouvernement du Kerala qui a annoncé une aide aux familles qui ne sont pas éligibles aux régimes de retraite ou de garantie d'emploi. Des repas gratuits offerts aux enfants des écoles publiques de l’état de New Delhi seront distribués chez eux. C’est un début, mais cela ne touchera, pour l’instant, qu’une minorité de la population affectée dans le pays.  

« Nous demandons donc à l'honorable Premier Ministre de prendre les mesures nécessaires pour fournir une protection sociale à tous, en particulier aux travailleurs non organisés les plus vulnérables. À court terme, pendant la crise du COVID-19, nous demandons qu'un minimum de 20.000 roupies soient envoyés à tous les adultes de la population vulnérable en Inde. »
 

Le réseau indien de nos partenaires a salué l’annonce du gouvernement indien concenrnant le lancerment d'un programme d'aide aux personnes vulnérables. « C'est le résultat de la demande de nombreuses organisations et mouvements, y compris le nôtre, pour des programmes proactifs et une aide aux personnes non organisées et les plus vulnérables. »

Mais nos partenaires soulignent également que ces efforts annoncés par le gouvernement indien ne sont pas suffisants. Ils soulignent aussi les graves problèmes auxquels ont été confronté-es les migrant-es internes, et ceux qui frapperont les agriculteurs et les agricultrices dans les prochains mois.

« Nous avons encore un long chemin à parcourir et nous avons besoin d'une plus grande solidarité pour lutter et réaliser la protection sociale pour tous. Personne ne peut prédire combien de temps cette pandémie va durer et quels changements elle apportera dans la réalité socio-économique, mais tous ceux/celles d'entre nous qui se sentent concerné-es par le développement humain doivent aller de l'avant, jusqu'à ce que le progrès économique de chaque pays soit partagé équitablement. »

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Article rédigé le 30 mars 2020 - Photographe cover: Prashanth-Pinha on Unsplash

La lettre ouverte datant du 21 mars a été rédigée par L.A Samy, membre du comité du pilotage du réseau asiatique pour le droit à la protection sociale (ANRSP), au nom du réseau indien et des partenaires le constituant : Asian Network for Right to Social Protection-ANRSP, Christian Workers Movement-CWM, National Domestic Workers Movement-NDWM India, Confederation of Free Trade Unions India- CFTUI, International Network for a Human Economy-INHE Asia, Tamil Nadu Land Rights Federation-TBRLF Tamil Nadu Pondicherry, Society of Women in Action for Total Empowerment-SWATE, Water and Livelihood Rights Federation-WLRF, Karur All Labour Union-KADALU, Tamil Nadu Conservancy workers Federation-Chennai.

 

 

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