14 juillet 2025

La 113ème Conférence Internationale du Travail de l’OIT adopte de nouvelles normes, tout en dénonçant et en prenant des mesures contre les violations des droits du travail

Comme à l’accoutumée, lors des deux premières semaines de juin s’est tenue, à Genève, la Conférence Internationale du Travail (CIT) de l’OIT qui consacre ses travaux à la bonne mise en œuvre de l’Agenda du Travail Décent.  

Depuis 1919, l’Organisation Internationale du Travail repose sur le fait que la paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la justice sociale. Au vu des crises actuelles, cette mission est plus que jamais d’actualité. La particularité, et la force de l’OIT, résident dans le fait que ces normes (ainsi que le suivi de leur application) sont adoptées via un dialogue social tripartite entre les gouvernements, les employeurs et les travailleur·euses.  

Grâce à la collaboration entre l’ACV-CSCi et WSM, nous avons, cette année encore, pu contribuer aux travaux de cette conférence et être les témoins directs des évolutions en cours en termes de réglementations internationales pour le travail et les droits sociaux.  

Transition vers le travail formel : 10 ans après la Recommandation n°204 

Il y a tout juste 10 ans, l’OIT adoptait la Recommandation n°204 sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Cet instrument constitue la première réglementation internationale se préoccupant exclusivement de ces travailleur·euses en situation de vulnérabilité comme les travailleur·euses domestiques, agricoles, du soin, mais aussi les vendeur·euses de rue, les mineurs, les artisan·es qui n’ont pas accès à un travail décent, ni à des salaires vitaux et encore moins à la protection sociale universelle.  

Cette année, 10 après l’adoption de cette résolution, les différents groupes constituants de l’OIT ont pu faire l’état des lieux des défis persistants pour ces travailleur·euses et adopter ensemble une conclusion forte pour agir urgemment contre ces situations.  

Les discussions, bien que parfois ardues, ont été constructives. On déplore et dénonce encore les attaques, non dissimulées dans les débats, à l’encontre de la promotion de l’égalité des genres et la lutte contre le changement climatique. Dans ces débats, l’ACV-CSC, WSM et ses partenaires ont pu rappeler l’importance de la négociation collective pour ces travailleur·euses, le devoir de vigilance dans toute la chaîne de valeurs afin de prévenir les cas d’informalité, le rôle de levier que joue l’économie sociale et solidaire vers la formalité, ainsi que la reconnaissance d’un besoin collectif de s’adapter aux changements rapides impulsés par les nouvelles technologies.  

Nous vous invitons à re-prendre connaissance de nos recommandations inclues dans notre publication conjointe WSM, ACV-CSCi, CM-MC, INSP!R.

En route vers une Convention pour un travail décent pour les travailleur·euses des plateformes numériques 

La CIT s’est effectivement engagée à adopter une nouvelle Convention et une Recommandation pour régler ce marché en plein expansion. Malgré ce premier pas dans la bonne direction, les premières discussions triparties ont toutefois été difficiles. Le groupe des employeurs refusait d’aller vers une norme contraignante sous la forme d’une Convention, et niait constamment leur responsabilité d’employeurs (les plateformes ne seraient que des intermédiaires neutres entre le/la client·e et le/la travailleur·euse). Ils refusaient également de reconnaître que le travail informel est particulièrement présent dans l’économie de plateforme. 

Néanmoins, les avancées suivantes ont quand même pu voir le jour : il y aura bien une Convention supplée d’une Recommandation (et pas une simple recommandation) ; la définition des travailleur·euses de plateformes inclut explicitement tous les travailleur·euses, et ce quel que soit leur statut ; le périmètre de la Convention inclut explicitement les t travailleur·euses prestant dans l’économie informelle.  

Une petite victoire pour cette année, mais la route reste longue vers la prochaine CIT de juin 2026 où, on l’espère, cette Convention ambitieuse sera adoptée !  

Adoption d’une nouvelle Convention et Recommandation sur les risques biologiques au travail  

Cette nouvelle Convention (n°192) et la Recommandation (n°209) y attenante ont été adoptées en juin dernier et régissent pour la première fois les normes internationales du travail visant à prévenir l’exposition aux risques biologiques en milieu de travail et à protéger les travailleur·euses contre ceux-ci. Cette Convention invite les États Membres à élaborer des politiques nationales et à adopter des mesures en matière de sécurité et santé au travail, incluant la prévention et la protection contre les risques biologiques, ainsi que le développement de dispositifs de préparation et de réponse aux accidents et situations d’urgence1. Cette Convention s’applique pour tous les secteurs d’activités et reconnait des devoirs, des responsabilités et des droits pour les 3 groupes : états, travailleur·euses et employeurs. 

Nous resterons attentif·ves à ce que les états ratifient et appliquent cette Convention qui est particulièrement importante pour les travailleur·euses du secteur de l’agriculture étant en contact avec des nombreux micro-organismes, produits chimiques ou autres allergènes d’origines animal ou végétal.  

La Commission des Normes ou tribunal de l’OIT 

L’ACV-CSC joue un rôle important de cette commission qu’elle co-préside en tant que porte-parole du groupe des travailleur·euses. Cette Commission est, en quelque sorte, le ‘tribunal’ de l’application de normes de l’OIT via la présentation de cas de violations des droits du travail. Les gouvernements en faute doivent alors s’en défendre2.  

Cette année, le Tchad, la Libye, le Burundi, le Ghana, la Guinée-Bissau, la Zambie, l'Équateur, la Bolivie, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Panama, l'Afghanistan, l'Iran, l'Irak, la Malaisie, le Népal, le Sri Lanka, le Kirghizistan, la Géorgie, la Hongrie, Moldavie, Slovaquie, Ouzbékistan et Biélorussie ont été rappelés à l'ordre, pour la plupart pour cause de violations du droit d'organisation syndicale et du droit à la négociation collective, mais aussi pour l'interdiction du travail des enfants et du travail forcé, le droit à une inspection du travail (adéquate) et l'interdiction de la discrimination à l'égard des femmes, la sécurité et la santé au travail, les salaires minimums, la protection de la maternité. Il en a résulté l’adoption de plusieurs Recommandations dans le chef de ces gouvernements pour améliorer la situation en matière de droits du travail, avec un rôle pour l'OIT dans le suivi de la situation. 

Outre le passage en revue de ces cas ‘pays’, deux situations particulièrement alarmantes ont aussi été décriées. 

‘L’article 33’ a été activé en vue de sanctions et cessation des relations et des activités des gouvernements et des entreprises avec le Myanmar. Les faits reprochés sont notamment des cas de violations graves des droits civils et humains, de la persécution des défenseur.euse.s des droits humains et de syndicalistes, du travail forcé, d’enlèvements, d’agressions physiques et d’actes de torture, et ce, depuis le coup d'État militaire de 2021.  

Une plainte, soutenue par l’ACV-CSC, contre l'Arabie saoudite a été déposée pour violation des droits du travail des migrant.es africain.es. La situation pourrait s'aggraver avec la Coupe du Monde de Football 2034 en préparation. 

Alors que le multilatéralisme est décrié par certain.es, des victoires ont encore pu être engrangées dans cette instance onusienne basée sur le dialogue tripartite. Nous ne pouvons que rappeler l’importance d’investir ces lieux de démocratie participative, de façon constructive pour la justice sociale. Les syndicats et les organisations de la société civile y jouent un rôle déterminant pour nos démocraties.  

Le Directeur général de l’OIT, Gilbert Houngbo, confirmait encore en juin qu’il faut davantage de pouvoir syndical et de démocratie au travail pour limiter le pouvoir des entreprises : « La croissance ne se traduit plus par des emplois et des droits, mais uniquement par une augmentation des bénéfices des entreprises et des inégalités. » 

Le Secrétaire Général de la Confédération Syndicale Internationale (CSI), Luc Triangle, faisant aussi l’analyse à Genève, que le déclin des droits des travailleurs.euses est le résultat d’une politique de dérégulation, néolibéralisme et de négligence. Ce qui laisse le champ libre à l’extrémisme, l’autoritarisme et les entraves des (techno-) milliardaires contre la démocratie et l’état de droit.  

En Belgique, Ann Vermorgen, faisait aussi le constat que les droits des travailleur.euses est sur le déclin et le droit à l’action collective est mis sous pression.  

Dans ce contexte plus que préoccupant, WSM continue à s’engager avec les partenaires sur le terrain et dans ces hauts lieux de la démocratie pour un monde plus juste.  

Résistons, changeons la donne !   

 

Aurélie Vanossel, Chargée de Plaidoyer & Recherches WSM

 

Share


EN ES FR NL
Nous découvrir S'informer Agir ensemble Notre réseau Agenda Fais un don

Offres d'emploi Actualités Newsletter Contact