Retour sur cette 113ème Conférence Internationale du Travail à Genève. Durant les 2 premières semaines de juin s’est tenue la Conférence internationale du Travail qui est LE grand événement annuel de l’Organisation International du Travail. Depuis 1919, les gouvernements, le groupe des employeurs et représentant·es des travailleurs·euses du monde entier s’y retrouvent pour négocier les normes du travail, les conventions contraignantes et/ou les recommandations (non contraignantes) sur des éléments essentiels dans un monde en constant changement et qui continue de considérer les travailleurs.euses comme de simples outils, malléables et corvéables à merci.
Cette année, 10 ans après l’adoption de la recommandation N°204 sur la transition de situation d’informalité à un travail formel, WSM et ses partenaires ont l’opportunité de mettre en exergue les avancées et les défis qui persistent pour ces travailleurs·euses, car il reste encore du pain sur la planche pour assurer une protection sociale universelle adéquate et inclusive et un salaire décent pour ces personnes.
Au niveau mondial, les progrès restent timides : le nombre de travailleurs·euses informel·les continue d’augmenter pour dépasser les 2 milliards. Les avancées sont inégalement réparties entre les régions du monde : l’Asie, le Pacifique et l’Europe enregistrent les progrès les plus notables alors que les autres régions restent à la traîne. Dans ces dernières, les Etats peinent à mettre en place des cadres cohérents, intégraux et coordonnés afin de lutter contre ce fléau.
Un autre dossier ‘chaud’ de cette année est la discussion pour adopter une réglementation sur le droit à un travail décent pour les travailleurs·euses de plateformes numériques. Cela sera l’occasion pour l’OIT de se pencher sur un instrument légal qui entend répondre à une réorganisation du travail transformant profondément et durablement les relations au travail dans nos sociétés., beaucoup d’états demandent - et les représentant·es des travailleurs·euses exigent - d’adopter une nouvelle Convention et une Recommandation, fin d’adresser les défis pour ces travailleurs.euses de plateformes.
La réponse que nous donnons avec l’ACV-CSC, WSM et le réseau INSP!R est univoque : OUI !
Oui, cette organisation internationale qu’est l’OIT, promouvant la justice sociale et le travail décent, a un rôle crucial à jouer aujourd’hui et plus que jamais dans un contexte visant à la dérégulation et la précarisation des travailleurs·euses.
Car, oui, une nouvelle norme internationale permettra de défendre les droits de ces travailleurs·euses de plateformes qui nous livrent nos repas, nous transportent, réalisent des tâches en ligne, ou même domestiques ou encore des soins, qui rendent des services quotidiennement mais dont l’utilisation de plateformes numériques désorganise et invisible leur travail. Cela a pour effet de nier purement et simplement un grand nombre de leurs droits au travail et à la sécurité sociale.
C’est l’algorithme de ces plateformes qui la plupart du temps définit les tarifs et attribue les taches de manière inconnue - sur ces plateformes numériques de travail, où le travail se fait à la pièce ou à la livraison, il est réalisé sans contrat de travail, sans limitation des heures de travail (dans le cas des coursiers, les temps d’attente ne sont pas pris en compte), sans salaire minimum, avec des salaires bas, sans accès à la sécurité sociale (pas de protection quand il y a une maladie, pas de congé de maternité, pas de pension), sans protection en cas d’accident du travail, sans outils, sans équipements de travail fournis, sans droits à la négociation collective (pas le droit de former des syndicats).
De plus, ces travailleurs.euses sont souvent en situation de vulnérabilité travaillant dans cette économie car elles en ont besoin et la flexibilité des horaires les attirent : migrant·es, jeunes, étudiant·es, sans papiers. Les femmes sont souvent le plus pénalisées en termes de non-respect de leurs droits (ex. : pas de congé de maternité, pas de toilettes... et si elles en cherchent une, la plateforme les pénalise pour leur retard).
Ces plateformes détricotent les droits du travail et à la protection sociale au nom du progrès et d’innovations techniques mais au détriment de la justice sociale
A ce titre, lors de cette conférence à Genève, nous revendiquons : un cadre régulatoire pour l’économie de plateforme afin de prévenir la paupérisation des acteurs·trices des marchés du travail digital et éviter toutes discriminations ;
Les discussions s’annoncent intenses ! A suivre !
Aurélie Vanossel, Chargée de Plaidoyer WSM