18 novembre 2019

Dans les coulisses de Cusco, ville patrimoine mondial de l'humanité

La beauté de la ville de Cusco, au Pérou, est époustouflante. Le nombre de touristes qui se promènent dans les ruelles est tout aussi impressionnant. Le 'Cuzco péruvien' a été la capitale de l'Empire Inca il y a des centaines d'années. Aujourd'hui, c'est le point de chute pour toutes celles et ceux qui veulent visiter les ruines incas perchées sur la montagne mondialement connues du "Machu Picchu". Plus d'un demi-million de touristes se promènent sur la place centrale chaque année, ce qui fait monter en flèche les prix des hôtels. Ce qui contraste fortement avec les salaires du personnel de ces hôtels qui, eux, restent bas.

Malgré les revenus importants que le tourisme apporte, travailler dans ce beau patrimoine mondial n'est pas toujours un plaisir. Cuzco compte des centaines d'hôtels, représentant plusieurs milliers d'emplois - les chiffres exacts se sont avérés très difficiles à calculer. Mais les conditions de travail, d'autre part, sont mieux documentées, en partie grâce à la Federación de Hoteleros de Cuzco, la fédération des travailleurs de l'hôtellerie, qui essaie d'organiser les travailleurs dans les hôtels et par extension le secteur du tourisme. Ce n'est pas une tâche facile, car jusqu'à aujourd'hui, il n'y a que deux hôtels à Cuzco où un syndicat est présent. Deux hôtels qui sont parmi les plus exclusifs de tout Cuzco : Hôtel Libertadores (le "Palacio del Inka" du groupe Marriott) et Hôtel Monasterio (de Luis Vuitton). La chambre la plus simple dans les deux hôtels est un minimum de 300 à 400 euros par nuit. En basse saison en tout cas. En période touristique, les prix dépassent les 1.200 euros pour une nuit dans une chambre de luxe.

Avec un large sourire et un salaire de misère

Le tarif de nuit se compare assez bien avec le salaire des travailleurs de l'hôtellerie, 930 Soles péruviens ou 250 euros par mois, qui est aussi le salaire minimum légal. Déjà Sandro Socuallalla et Hernan Flores, les représentants syndicaux des deux hôtels, soulignent qu'ils sont heureux qu'une union soit possible ! "Grâce au syndicat, nous nous assurons que le salaire minimum est payé. Dans de nombreux hôtels de la ville, en particulier les hôtels trois étoiles, ce n'est pas le cas et le personnel de l'hôtel doit travailler dix heures par jour pour un salaire de 600 Soles ou 160 euros par mois. Sans parler du fait qu'il n'est pas respecter que les employé(e)s ont droit à un repas sain, pourtant c'est exigé par la loi pour tous les travailleurs.euses de notre secteur. Les bas salaires et les longues heures de travail en font un travail difficile. Mais en attendant, nous devons continuer à accueillir les invités avec un large sourire. Nous faisons cela parce que nous nous sentons vraiment connectés à notre hôtel, à notre travail".

Et bien que le syndicat défende tous les employé(e)s, le syndicat du personnel hôtelier de Cuzco compte peu de membres. Dans les deux hôtels, seuls 15 à 30 % des travailleurs sont affiliés. Cela est principalement dû au climat antisyndical qui prévaut, avec des listes noires du personnel syndiqué des hôtels qui circulent, des membres du syndicat étant rachetés ou même licenciés en raison de leur activité syndicale. " Dans un tel climat, il est difficile de recruter de nouveaux membres, et les jeunes sont également réticents à adhérer parce qu'ils y voient un risque pour leur future carrière ", témoignent Sandro et Hernan. 

Suivre la loi mène vers des succès

Grâce au syndicat national CSP (Confederación Sindical de Trabajadores de Perú*), ont persévère et le syndicat hôtelier remporte des succès. A l'Hôtel Palacio del Inka, le syndicat a réussi à négocier une augmentation de salaire de 90 Soles (24 euros) pour l'ensemble du personnel ! "Une augmentation de salaire normale, disent les délégués, se situe entre 1 et 2 euros. Avec le syndicat, nous avons réussi à négocier beaucoup plus. Le simple fait que notre hôtel soit désormais conforme à la loi est un succès important pour nous et nous le surveillons constamment. La liberté syndicale existe, nous sommes donc indemnisés pour le travail effectué les jours fériés. De cette façon, nous réussissons progressivement à éliminer la méfiance de nos collègues envers le syndicat ". 

En outre, le syndicat a également une autre stratégie pour améliorer la situation des employés. En effet, il encourage ses membres à la création de coopératives et/ou à celle de leurs propres initiatives commerciales pour améliorer leurs revenus. A Cuzco, le syndicat organise des sessions de formation sur l'économie sociale et la formation de coopératives.

Pensions

L'objectif principal reste l'adaptation de la loi sur les pensions et la couverture maladie pour les travailleurs du secteur du tourisme. Sous le règne de Fujimori (1990-2000), la protection sociale des travailleurs du secteur hôtelier a été considérablement réduite afin de maintenir la compétitivité du secteur, mais en les plaçant parmi les groupes les plus vulnérables. Aujourd'hui, on compte une pension d'à peine 300 Soles (80 euros) à 65 ans, alors que la pension légale pour les autres secteurs s'élève à 860 Soles (230 euros). La révision de la loi est le fer de lance de la Fédération des travailleurs de l'hôtellerie de Cuzco, assistée et soutenue par le syndicat national CSP.

*La Confederación Sindical de Trabajadores de Perú (CSP) est un syndicat quelque peu anormal, qui s'est concentré sur la syndicalisation des travailleurs et des travailleuses de l'économie informelle. Ce n'est pas le secteur le plus simple et le plus attrayant pour un syndicat, avec peu d'appréciation de la part du gouvernement et même des partenaires sociaux (le gouvernement et les autres partenaires sociaux n'ont autorisé le CSP qu'en tant qu'observateur au Conseil national du travail). Mais au cours des dix dernières années, le CPS a remporté plusieurs succès, avec quelque 300.000 syndiqués (la deuxième confédération du Pérou !), la plupart des membres se trouvant dans l'économie informelle : vendeurs de rue dans les villes, journalistes indépendants, vendeurs de journaux, etc. Le CPS défend non seulement leurs droits du travail, mais soutient également les travailleurs de l'économie informelle en appuyant les initiatives de l'économie sociale et en guidant les syndicats locaux dans la création de coopératives. En octobre 2019, CSP a obtenu l'adhésion à la confédération syndicale internationale IVV, une récompense pour son approche innovante et la reconnaissance de son travail au Pérou. Cela apportera de nouvelles opportunités tant au niveau national qu'international.

 

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