15 janvier 2021

Soixante ans après la mort de Patrice Lumumba: peut-on viser plus qu'un hommage?

17 janvier 2021. Voici exactement soixante ans que Patrice Lumumba est décédé. En tant que premier ministre, il a dirigé le Congo nouvellement indépendant, mais il a rapidement été destitué, emprisonné, torturé et assassiné dans des circonstances jamais entièrement élucidées. Un événement tragique qui a assombri l'histoire de la RD Congo jusqu'à ce jour. Et celle de la Belgique aussi. Mais qu'est-ce que Lumumba nous enseigne aujourd'hui ? Et mérite-t-il un hommage? ‘Oui’, dit Dieudonné Wamu Oyatambwe*. ‘Mais si on veut regarder l'histoire de manière objective, nous devons aller plus en profondeur et dénoncer également les pratiques néocoloniales qui continuent jusqu’à présent.’ Il a rédigé cet article sur le sujet. 

'Patrice Lumumba est toujours honoré comme un héros au Congo et au-delà. Son discours le jour de l’indépendance du Congo est resté célèbre. Lorsqu'il a pris la parole sans avoir été programmé, il s'est adressé à l'ancien colonisateur en des termes très précis : ‘Nous avons connu le travail forcé en échange de salaires bien trop bas pour pouvoir manger suffisamment, s'habiller dignement, vivre ou élever nos enfants. Nous avons connu des moqueries, des insultes, des coups. Nous avons été témoins de la terrible souffrance de ceux qui ont été condamnés pour leurs opinions politiques ou leurs croyances religieuses : exilés dans leur propre pays, leur sort a été pire que la mort. Nous avons vu que dans les villes, il y avait de belles maisons pour les blancs et des baraquements délabrés pour les noirs. Qui oubliera les massacres dans lesquels tant de nos frères sont morts, les cellules dans lesquelles ont été jetés ceux qui refusaient de se soumettre à un régime d'oppression et d'exploitation. Nous, qui avons souffert dans nos cœurs et nos corps de l'oppression coloniale, nous vous le disons tout haut: tout cela est désormais fini.’ Ce discours de Lumumba a immédiatement provoqué un incident diplomatique. Non pas parce que ce qu'il a dit était faux, mais le moment choisi et le ton utilisé dérangeaient les Belges.  

Deux mondes 

Dans la colonie belge, deux mondes différents se côtoyaient: le monde du colonisateur et le monde du colonisé. La société coloniale a constamment rappelé aux Congolais qu'ils étaient et devaient rester subordonnés. Les intérêts de la métropole valaient plus que les droits des Congolais. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que, en raison de l'évolution du contexte mondial, le colonisateur a commencé à prendre en compte les ambitions des Congolais eux-mêmes. Des investissements ont été réalisés dans l'éducation, les soins de santé et le logement. Progressivement, les colonisés se sont vu accorder quelques droits civils et politiques. 

Centre d’impérialisme occidental 

Si on regarde l'histoire de manière objective, nous devons tout dire sans tabous. La petite Belgique a pu survivre après la Seconde Guerre mondiale presque sans dette extérieure, grâce aux réserves de la colonie, tandis que les autres pays européens se sont lourdement endettés. Après l'indépendance en 1960, certains ‘joyaux’ du portefeuille de l'État congolais sont passés sous le giron belge. La Belgique aurait soutenu l’élimination politique, et même physique, de Patrice Lumumba et la sécession du Katanga juste après l'indépendance. Lorsque Mobutu est arrivé au pouvoir, la Belgique a soutenu ce sinistre régime au nom de la guerre froide. Le Congo (alors Zaïre) est devenu le centre des stratégies occidentales visant à freiner le communisme en Afrique. Le néo-colonialisme et l'impérialisme occidental au sommet. Les opposants à la dictature de Mobutu ont été systématiquement éliminés ou contraints à l'exil. Jusqu'à la chute du mur de Berlin, où un vent nouveau a soufflé sur l'échiquier géopolitique du monde. 

Regarder la réalité en face 

Soixante ans après la mort de Patrice Lumumba, nous ne pouvons cependant pas nous contenter de regarder seulement en arrière. À ce jour, les systèmes et pratiques (néo-)coloniaux restent la règle. Nous devons regarder cette réalité en face. Pour donner un exemple: le Congolais moyen ne profite presque pas des revenus des ressources naturelles du Congo. De plus, le problème n'est pas que congolais: les pratiques néocoloniales dominent l'économie mondiale. Porter un regard objectif sur l'histoire, c'est aussi dénoncer ces pratiques. C'est la seule façon de contribuer au changement.'

*Dieudonné Wamu Oyatambwe est né au Congo et vit en Belgique depuis près de 30 ans maintenant. Il est politologue et travaille comme responsable de programmes pour l'Afrique centrale chez WSM. 

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