La République Démocratique du Congo: le pays le plus riche du monde
Pour décrire la RDC, il faut recourir aux superlatifs. C’est un pays puis sant et magnifique. Avec une super ficie équivalente à celle de toute l’Europe occidentale, la RDC est le deuxième plus grand pays du conti nent africain. En 2024, la population comptait 115,4 millions d’habitant·es, dont 97 % avaient moins de 65 ans (contre environ 15 millions d’habi tant·es en 1960). Avec ses énormes richesses naturelles, c’est aussi le pays potentiellement le plus riche du monde. L’ivoire pour les pianos, les fausses dents et la décoration. Le caoutchouc pour les pneus des voitures et des vélos. L’huile de palme pour le savon. Le cuivre, l’étain, le zinc, l’argent et le nickel pour notre industrialisation. Les diamants et l’or pour les bijoux. L’uranium pour les bombes atomiques. Du cobalt pour les batteries rechargeables. Depuis 140 ans, le monde y exploite des matières premières essentielles au progrès, à la prospérité, au bien-être, à la guerre. Depuis 140 ans, le Congo est le théâtre de la colonisation, du pillage et de l’exploitation économique. La richesse est exportée, tandis que près des trois quarts des Congolais·es doivent survivre avec moins de 2,15 dollars par jour.
Un pays de contrastes saisissants
Le contraste saisissant entre richesse potentielle et pauvreté extrême est particulièrement flagrant dans le secteur minier, où des personnes tentent de survivre à l’ombre d’énormes terrils en vendant les matières premières et les minéraux qu’elles extraient des débris qui y sont déversés. La richesse du pays réside également dans la fertilité de ses sols. Partout poussent des manguiers, avec leurs fruits délicieusement sucrés et mûris au soleil. On les trouve sur les marchés locaux, au bord des routes ou directement chez les petit·es agriculteur·trices. Mais la confiture vendue dans les magasins de Kinshasa est de la marque Everyday, de la chaîne de supermarchés belge Colruyt.
Madame Lydiane Nabani Nyembu, membre du mouvement féministe AFC et présidente de la coopérative agricole COOPAGEL dans le village de Katanga, confirme que, malgré l’énorme potentiel agricole, 80 % des denrées alimentaires sont importées. Créer de la valeur ajoutée dans son propre pays, voilà une partie de la solution. Transformer soi-même les matières premières et les récoltes. Mais pour y parvenir, il faut investir dans les routes et les transports. Afin que les villes puissent être approvisionnées depuis les campagnes. Il s’agit là d’une étape cruciale vers la souveraineté alimentaire et le développement économique. Et c’est là qu’apparaît un paradoxe. Les routes qui sont construites, souvent par les sociétés minières chinoises, servent principalement à expédier les minéraux précieux le plus rapidement possible. Alors que le reste du pays reste non goudronné.
La COOPAGEL reçoit le soutien et le financement du Mouvement ouvrier chrétien du Congo (MOCC), avec lequel WSM collabore depuis de nombreuses années. Des investissements ont été réalisés dans la création de champs de maïs, la construction d’une maison communautaire, d’un espace de formation et d’un grenier à grains. Les membres y suivent des formations en agroécologie, peuvent acheter des semences, des céréales et des engrais à des tarifs réduits, stocker leur récolte dans le grenier et la transformer ensemble. Le village est situé près de la ville minière de Lubumbashi, où la pression sur les terres agricoles augmente. Dans ce contexte, Madame Lydiane joue un rôle de premier plan en tant que défenseuse de la préservation des terres agricoles et des forêts. Tant au niveau local qu’international, elle a utilisé son influence en tant que princesse pour protéger 200.000 hectares de terres. Pour elle, la coopération et la pression collective sont essentielles pour réaliser le changement et le développement économique.
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Kolwezi: le coeur battant du paradoxe vert
Au sudest de la RDC, dans le Grand Katanga, se trouve Kolwezi, la « capitale mondiale du cobalt ». Dans cette région, les pierres colorées et scintillantes sur lesquelles vous marchez trahissent la richesse du sol. Les minéraux stratégiques sont littéralement à portée de main. Les veines de minerais et de minéraux précieux passent également juste sous la ville. Les fissures dans les murs des bâtiments du centreville témoignent des explosions souterraines dans les galeries minières. En raison des prix élevés du cobalt sur le marché mondial, une véritable fièvre du cobalt règne. Derrière l’éclat et l’éblouissement de la richesse se cache une dure réalité.
"En 21 ans de recherche sur l’esclavage et le travail des enfants, je n’ai jamais vu de forme plus extrême de recherche effrénée du profit que celle que j’ai observée au bas de la chaîne d’approvisionnement du cobalt. Les gigantesques entreprises qui vendent des produits contenant du cobalt congolais valent des milliards, tandis que les personnes qui l’extraient du sol vivent dans une pauvreté et une misère extrêmes. Elles survivent dans un environnement transformé en décharge toxique par les sociétés minières étrangères. Des millions d’arbres ont été abattus, des dizaines de villages détruits, les rivières et l’air pollués et les terres fertiles détruites. Notre vie quotidienne est alimentée par une catastrophe humaine et écologique au Congo." Siddharth Kara, Cobalt Red. How the blood of the Congo powers our elives (Rouge cobalt. Comment le sang du Congo alimente nos vies).
Le syndicat local CSC Congo, avec lequel WSM collabore, tente de mettre de l’ordre dans le chaos. Il recherche l’humanité et la dignité parmi les décombres d’une course effrénée au profit. Il prend des initiatives pour organiser les mineur·euses artisanaux·ales — les « creuseur·euses » —, les représenter et défendre leurs droits et ceux de leurs enfants. Ceux·celles qui ne détournent pas le regard connaissent ces images : des hommes, des femmes et même des enfants qui extraient de l’or, du coltan, du cuivre et du cobalt dans des conditions extrêmement dangereuses, dans des puits étroits et instables qu’ils·elles ont creusé eux·elles mêmes et où ils·elles risquent d’être enseveli·es vivant·es en cas de fortes pluies ou d’effondrement. La région attire des milliers de migrant·es internes, qui s’installent dans des camps improvisés autour des sites miniers. Selon la CSC Congo, environ 100.00 personnes travaillent dans des mines formelles à Kolwezi et dans ses environs, souvent derrière des murs et des barbelés. En revanche, on estime à 400.000 le nombre de mineur·euses informel·les qui tentent de gagner leur vie sans protection ni droits.
Le système coopératif, dans lequel les mineur·euses travaillent en petits groupes sous la direction d’un·e négociateur·trice, a permis de réduire les formes les plus graves d’insécurité. Néanmoins, les conditions de travail restent inhumaines. Les salaires sont scandaleusement bas : en moyenne 2 dollars par jour pour un travail extrêmement pénible. Et même ce montant est incertain, car les acheteur· euses utilisent des balances peu fiables et sousestiment souvent délibérément la teneur en minéraux du minerai. Les mineur·euses eux·elles mêmes n’ont aucun pouvoir de négociation. Ceux·celles qui ne vendent pas ne mangent pas.
Les trois quarts des entreprises minières sont situées dans le Grand Katanga. C’est là que la plupart des emplois formels sont créés, mais là aussi, les différences sont importantes. Selon les réprésent∙es syndicaux∙ales locaux∙ales, il existe un certain nombre d’entreprises où le dialogue social, obligatoire en vertu de la législation minière congolaise, fonctionne bien et où les conditions de travail et les salaires sont corrects. Mais quatre concessions sur cinq sont détenues par des entreprises chinoises, qui n’ont pas pour habitude de mener des négociations sociales. Dans ces entreprises, les salaires restent bas, à peine supérieurs au minimum légal, ce qui est insuffisant pour vivre dans une ville comme Kolwezi, où le coût de la vie est élevé.
Kolwezi est le cœur battant de notre transition verte, mais aussi d’un paradoxe criant. Alors que le monde souhaite réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, les matières premières nécessaires à cette transition sont extraites dans des conditions qui sont tout sauf durables. Une transition énergétique équitable exige plus que des innovations technologiques : elle exige la justice sociale, la transparence et la responsabilité internationale. Les syndicats et la société civile doivent coopérer audelà des frontières et lutter pour faire pression sur les gouvernements et les entreprises afin de mettre fin aux violations systématiques des droits humains.
Texte / Jennifer Van Driessche, Koen Detavernier et Nancy Govaerts, WSM. Laura Eliaerts, ACV-CSC Internationale
Photos / WSM (et participant·es & représentant·es du MOC au voyage en RDC de décembre 2024)