29 septembre 2020

"Peu d'infections mais de graves conséquences pour les Népalais"

Le Népal a, jusqu'à présent, été relativement épargné par l'épidémie du coronavirus. Néanmoins, les conséquences restent majeures sur la vie quotidienne des Népalais. De nombreux ménages pauvres et travailleurs migrants ont perdu leurs revenus. Un petit nombre de travailleur.euse.s peuvent désormais compter sur des mesures de soutien, mais ceux qui ont un emploi informel - donc la grande majorité des gens - doivent se débrouiller sans aucune forme de compensation, ni de protection. Nous nous sommes entretenus avec notre collègue, Bruno Deceukelier, qui travaille pour WSM depuis la capitale Katmandou.


Le 'petit' Népal, enclavé entre deux géants, la Chine et l'Inde, dans lesquels la pandémie du COVID-19 a déjà fait de nombreuses victimes, a été relativement épargné, jusqu'à présent. Bruno : "Alarmé par la situation dans d'autres pays et en suivant l'exemple de l'Inde, le Népal a été mis en quarantaine à la fin du mois de mars. Ce confinement était censé durer cent jours et semblait très surréaliste. Les voitures ne peuvaient plus circuler et l'aéroport international était en grande partie fermé. Les écoles aussi ont fermé leurs portes. Vous n'étiez autorisé à sortir que de 8 à 10 heures pour aller au magasin ou acheter des médicaments, ce qui provoquait de longues files d'attente dans tous les petits magasins. Les personnes qui ne portaient pas de sac de courses étaient arrêtées par la police, mais les sanctions étaient généralement légères. Un de nos amis, qui a été arrêté, a dû s'asseoir sur le trottoir pendant une heure, et ensuite, faire un discours aux dix autres détenus sur l'importance de respecter le règlement. Quand, pour plaisanter, il a mentionné dans son discours que la consommation d'alcool aidait aussi à tuer le temps, il a dû faire dix pompes et ensuite tout le monde a été libéré... Étant donné qu'il y avait peu d'infections, tout est resté plus paisible. Le premier décès népalais n'a eu lieu qu'à la mi-mai, alors que la Belgique comptait déjà 9 000 morts".

"Le rémède était pire que la maladie"

Bruno : "Bien sûr, le confinement a causé de sérieux problèmes. Les travailleurs journaliers ont perdu leur emploi, le tourisme s'est complètement arrêté, avec deux mois sans un seul touriste entrant dans le pays. Les travailleurs migrants népalais en Inde qui voulaient retourner dans leur famille ont été arrêtés à la frontière et forcés d'attendre dans des camps surpeuplés. Beaucoup d'entre eux sont entrés clandestinement au Népal, mais ont été rejetés par leur famille et leurs voisins. Les Népalais des pays du Golfe ont été mis en quarantaine sans solde. Ils ne pouvaient pas retourner au Népal car il n'y avait pas de vol. Les hôpitaux refusaient de traiter les patients s'ils n'avaient pas de certificat attestant qu'ils étaient exempts de COVID-19. Les femmes enceintes n'osaient pas se rendre à l'hôpital pour accoucher et les campagnes de vaccination ont été interrompues. Tous ces problèmes ont fait que les mesures de confinement ont finalement fait plus de victimes que la maladie redoutée". "Le remède était donc pire que la maladie". 

Vivre au jour le jour

Bruno : "Malgré le nombre assez limité d'infections, la population et l'économie népalaises ont donc été gravement touchés par cette crise. Deux revenus très importants pour le pays, le tourisme et les envois de fonds - l'argent renvoyée au Népal par plus de 4 millions de travailleurs migrants népalais pour subvenir aux besoins de leur famille - ont complètement chuté. La plupart des gens n'ont pas de recours, ils vivent au jour le jour. Entre-temps, de nombreux travailleurs migrants sont revenus d'Inde, de Malaisie et des États du Golfe. C'est un énorme défi de s'occuper de ce grand groupe de personnes".

L'importance de la protection sociale

Bruno : "Durant cette crise du corona, c'est notre santé qui est en danger. Or, pendant cette pandémie, presque tous les hôpitaux privés sont restés fermés. Donc, pendant une crise, on ne peut pas compter sur eux. Cela montre une fois de plus combien la lutte pour de soins de santé de qualité et accessibles à tous est essentielle. Pendant les mois de fermeture stricte, le pays aurait dû se préparer, équiper les hôpitaux en matériel, etc. Mais cela ne s'est pas produit, ou pas assez. Nous avons vu que les magasins ont ouvert un à un, que les travailleurs se sont déplacés dans tout le pays pour rentrer chez eux, que de plus en plus de voitures ont obtenu un permis de circuler... jusqu'à ce que le gouvernement lève officiellement le confinement au début du mois de mai. Le Népal serait épargné ? Les déclarations les plus aberrantes ont été faites. Par exemple: la variante COVID au Népal n'était pas si contagieuse. Les Népalais vivent plus à l'extérieur ou mangent plus de curcuma, ce qui leur confère une meilleure immunité. Les dieux ont protégé le Népal. Les Népalais ne donnent pas de poignée de main, mais utilisent le namaste une salutation qui conserve la distanciation, etc. 

Quelle que soit l'explication, il est clair que la protection sociale autour de laquelle WSM et ses partenaires travaillent, est fondamentale en temps de crise, ce que défendent également les syndicats GEFONT et NTUC au Népal : des soins de santé accessibles, un emploi de qualité, qui garantit aux Népalais un salaire décent et des conditions de travail sûres dans leur propre pays. Une sécurité sociale pour les personnes qui perdent leurs revenus. Des syndicats qui veillent à ce que des mesures de sécurité soient élaborées par secteur, afin que les travailleurs puissent reprendre le travail. Comment faire en sorte que les prestations existantes, telles que les prestations pour les personnes âgées ou handicapées, se maintiennent ? Comment faire en sorte que les parents reçoivent un soutien supplémentaire maintenant que leurs enfants n'ont plus ce repas garanti à l'école ? C'est ce sur quoi les partenaires de la WSM ont travaillé et ont permis beaucoup de bons résultats". 

Le coronavirus frappe quand même !

Bruno : "Depuis la mi-juillet, les infections au coronavirus ont augmenté rapidement, avec près de cinq cents décès à la fin du mois de septembre. Le Népal est donc au début de la première vague. Les salles reservées aux cas de corona dans les hôpitaux se remplissent, mais l'équipement médical nécessaire fait souvent défaut. Un deuxième confinement a été annoncé et plusieurs mesures ont été réappliquées. La question de savoir si le Népal sera capable de s'adapter à une nouvelle normalité est toujours d'actualité. Le manque de tourisme et d'envois de fonds est un gros coup dur pour l'économie népalaise. Cela dit, il peut s'agir aussi d'une opportunité de travailler sur des emplois alternatifs, un domaine dans lequel les syndicats sont très actifs. Tout le monde cherche une nouvelle voie à suivre et WSM et ses partenaires y contribueront certainement ".

24/09/2020 - Mia Vandenberghe, Educatie WSM, et Bruno Deceukelier, Coordinateur Continental Asie, WSM

 

 

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